"Un roi sans divertissement...

Publié le par Andromède

... est un homme plein de misères."

Qui a dit cela ? C'est la dernière question que nous pose Jean Giono avant de nous laisser refermer son livre, qui a d'ailleurs titre Un roi sans divertissement.
Bon, c'est Pascal, qui a dit ça, mais je laisse le soin à Giono et à son très beau Langlois le soin de vous expliquer ce que ça peut bien vouloir dire. 

Le livre est parti parfaitement au hasard, sans aucun personnage. Le personnage était l'Arbre, le Hêtre. Le départ, brusquement, c'est la découverte d'un crime, d'un cadavre qui se trouva dans les branches de cet arbre. Il y a eu d'abord l'arbre, puis la victime, nous avons commencé par un être inanimé, suivi d'un cadavre, le cadavre a suscité l'assassin tout simplement, et après, l'assassin a suscité le justicier. C'était le roman du justicier que j'avais écrit. C'était celui-là que je voulais écrire, mais en partant d'un arbre qui n'avait rien à faire dans l'histoire. 

J.G.

Je ne sais pas si j'arriverais vraiment à résumer, ni même à esquisser le fond de ce bouquin : un petit village perdu au fond de la campagne, coupé de tout, qui s'érige presque en autre monde sous les yeux du lecteur, et où pendant presque trois ans, tous les hivers, une personne disparaîtra. La peur, l'angoisse de l'anormal qui vous tombe dessus... Mais voilà qu'arrive le capitaine Langlois avec sa pipe et son potentiel de sauveur.
Langlois...
Je crois que ce type fait partie des quatre ou cinq personnages que je donnerais volontiers pour modèle à celui qui voudrait bien me fabriquer l'Homme Idéal. Langlois, c'est Athos sans ses trois amis, c'est Platonov sans femmes. Mais c'est aussi et avant tout le personnage qui évolue dans le vide, qui ne parvient pas à trouver d'attrait réel en la vie, et qui sera plus ou moins hanté par le fait que le meurtrier du Hêtre, l'homme qu'il a abattu, en avait trouvé un, lui : la Beauté. 
Mettez Langlois dans un décor de neige noire qui ne fond jamais, même lorsque l'Auteur se décide à évoquer le retour du printemps, avec la tenancière Saucisse et les habitants curieux mais trop timides, tout cela servi avec l'écriture pleine d'humour et de poésie de Giono, qui défriche son mystère sans daigner l'expliquer autrement que par des dialogues en demi-teintes, au présent et au futur. 
Eh bien, vous avez un chef d'oeuvre blanc, l'illustration même de cette phrase de Saucisse, prise hors contexte : "Ah ! l'encre, ça en fait faire, des bêtises".

Un très beau livre, vraiment.

Publié dans Bibliophagie

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A
Vous avez certainement une jolie "plume", puisque votre texte me donne vraiment envie de relire celui de Giono.
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